4.9.18
Fantômes et autres inconvenances
Dans Ghost World, l’adaptation ciné de la BD de Daniel Clowes, il y a une scène où Enid et Rebecca observent un couple de « satanistes » dans une cafétéria ; un homme et une femme d’une cinquantaine d’années, aux mines sombres et blasées. Assis en silence, ils semblent déçus que la fin du monde n’ait pas encore eu lieu. Quand ils sortent de la cafétéria, les deux ouvrent de grands parapluies noirs alors que le ciel est bleu. « Pour se protéger du soleil », commente Enid.
L’une des réussites du film, par rapport à la BD qui n’était qu’en deux couleurs, c’est que ce couple y est vêtu de rose, ce qui apporte une sorte de décalage pop plutôt bien vu. Une autre réussite, en ce qui me concerne, c’est que l’homme – avec son crâne chauve, son long visage et son bouc noir – me rappelle mon pote Olivier.
Olivier n’était pas sataniste, que je sache, mais c’était tout comme. Il était toujours vêtu de noir, avec la peau très blanche, le crâne chauve et le même bouc que le sataniste de Ghost World. Il était plus jeune, par contre. Le même âge que moi, à quelque chose près. Quand on s’est rencontré il devait avoir 25 ans et moi 23.
Olivier était gentil – c’est la première caractéristique qui me vient à l’esprit pour le définir. Gentil et sombre. Quand on s’est rencontré il venait de débarquer à Paris avec sa copine, Cécile. Elle était au chômage et lui travaillait comme ingé-son pour différents spectacles. A la base ils venaient de Reims. On peut imaginer qu’ils avaient emménagé à Paris pour son travail à lui. Ils vivaient dans un appartement de taille correcte pour Paris, près du métro Château Rouge – la zone des vendeurs et des consommateurs de crack. La station Château Rouge donnait sur la bien-nommée Rue des Poulets, infestée nuit et jour de flics et de CRS. Un jour, par la fenêtre de son appartement, Olivier a vu un mec se faire planter. Le lendemain dans la rubrique « faits divers » de 20 Minutes, il a appris que le type y était resté.